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Les droits d'auteur des pigistes s'étendent-ils aux cd-roms et aux banques de données accessibles sur internet? Commentaire des arrêts Robertson et Tasini.
René Pepin*
En 2001, à quelques mois d'intervalle, la Ontario Superior Court of Justice1 et la Cour suprême des États-Unis ont eu à se prononcer sur une question juridique fort semblable, à savoir si les droits d'auteur des pigistes qui écrivent des textes pour le compte de journaux ou de revues englobent aussi leurs contributions qui se retrouvent maintenant sur des disques compacts ou des banques de données accessibles sur le réseau internet. Elles sont arrivées à des conclusions semblables, mais pour des motifs différents.
Cette question avait traditionnellement suscité très peu d'intérêt. On devine que c'est l'explosion des moyens technologiques de communication qui a changé rapidement la situation, en quelques décennies tout au plus. Il est vrai que, dès le milieu du vingtième siècle, les journaux transféraient le texte de leur édition quotidienne ou hebdomadaire sur microfilm, et éventuellement sur microfiche, mais ce mode de diffusion intéressait essentiellement les chercheurs, et non le grand public. Ce n'est vraiment qu'à partir des années '70 que cet ordre des choses a subi des bouleversements. Les journalistes n'avaient donc pas eu traditionnellement à se préoccuper de ce qui arriverait de leurs textes, étant donné qu'il n'y avait pas de « marché secondaire » pour leurs écrits. Les choses sont bien différentes aujourd'hui: plusieurs compagnies exploitent des services dits « en ligne », i.e. qu'elles offrent à leurs abonnés des répertoires contenant le texte de centaines de journaux ou revues, s'étendant sur une période de plusieurs décennies. L'internaute peut utiliser maintenant des moteurs de recherche qui scrutent des banques de données contenant plus d'un million de documents à l'aide d'un mot-clé, qu'il s'agisse d'un nom propre, un concept, une date, etc, et a un accès presque instantané à l'information recherchée.
Notre propos est d'étudier les deux décisions les plus récentes sur ce sujet. Nous allons exposer ensemble les faits pertinents des décisions Robertson2 et Tasini3, car ils sont très semblables. Il en ira de même pour les questions juridiques à trancher, car les concepts pertinents dans la loi canadienne4 et américaine5 sur le droit d'auteur ont beaucoup en commun. Nous voulons ensuite évidemment scruter à la loupe les motifs qui supportent chaque décision, car ils sont différents à bien des égards. Enfin, nous nous interrogerons sur les impacts juridiques et économiques des arrêts, qui sont loin d'avoir mis un point final à ce litige.
Les faits
Dans l'affaire Robertson, le litige a pris naissance lorsque plusieurs personnes ont intenté un recours collectif contre le journal « The Globe and Mail ».6 La plaignante, Mme Heather Robertson, est une auteure canadienne ayant à son actif une dizaine de monographies, et qui collaborait régulièrement avec le journal en question. Sa plainte portait spécifiquement sur deux textes fournis en 1995 à titre de pigiste, qui se sont retrouvés éventuellement dans des disques compacts, appelés CD-Roms, et dans des banques électroniques de données. Elle avait reçu la somme de 3000$ pour la publication d'extraits de son dernier volume, et pour la recension d'un ouvrage d'une autre auteure. Le journal avait acquis le droit de publier son texte « une seule fois ».7
Comme c'est malheureusement le cas trop souvent dans ce domaine, la question des droits d'auteur est soit complètement passée sous silence, les ententes étant scellées par une simple poignée de main, ou est abordée de façon bien indirecte. La décision ontarienne rapporte que ce n'est qu'à partir de 1996 que le Globe se mit à faire signer des contrats écrits aux pigistes à l'effet qu'il acquérait les droits d'auteur pour un « one-time use in the print and electronic editions of the daily newspaper, and for perpetual inclusion in the internal and commercially available databases of The Globe and electronic products derived therefrom. ».8 A la fin de cette année, le contrat-type fut modifié pour viser plus clairement les banques de données électroniques . Le journal se faisait céder les droits « ...for perpetual inclusion in the internal and commercially available databases, and other storage media (electronic and otherwise) of the Globe or its assignees, and products (electronic and otherwise) derived therefrom ».9
Il faut savoir que le Globe reproduit depuis 1945 le contenu intégral du journal, sur microfiches et microfilms, qui ont toujours été offerts en vente au public. A partir de 1979 il avait lancé le service « Info Globe Online », permettant la consultation par des abonnés des anciens numéros du journal à partir d'un terminal. Cette année-là, les services d'archivage ont été entièrement numérisés. Mais ce n'est plus l'édition du journal sous sa forme papier qui se retrouve intégralement dans les banques de données. Ainsi, on fait disparaître la publicité, les cotes de la bourse, la rubrique nécrologique, les prévisions météo, et quelques autres sections du journal, représentant au total plus de 50% de ce qui est dans la livraison originale. Chaque texte retenu est « archivé » de façon à pouvoir être repéré rapidement par les moteurs de recherche. Ne sont retenus, à part le texte lui-même, qu'une mention du numéro de la page de l'édition dans laquelle il a paru initialement, du titre qui le coiffait, et s'il était accompagné d'une photo. Il ne reste pratiquement rien de ce qui constitue la facture distinctive d'un journal, i.e. son logo, la grosseur des titres et en-têtes, la disposition des textes relativement les uns aux autres, le choix des caractères, le nombre de colonnes, et quelques autres éléments visuels. On verra que ceci est important, car la plaignante ici ne s'objectait par à ce que le journal soit disponible électroniquement dans sa forme intégrale, i.e. sur microfilm et microfiche. Elle considère qu'on enfreint ses droits d'auteur lorsque ses textes se retrouvent dans les éditions modifiées offertes sur disques compacts et dans les banques de données.
Quoi qu'il en soit, le Globe est accessible depuis 1987 par le service appelé Canadian Periodical Index, qui contient le texte de plusieurs journaux et revues. Depuis 1991, il est aussi disponible sur CD-Rom, chaque disque contenant le texte de 6 journaux pour une période d'une année complète. L'utilisateur peut visionner le texte d'un seul numéro d'un journal, ou utiliser un index permettant de faire des recherches par nom d'auteur ou par sujet. Le journal publie aussi une édition "électronique" quotidienne, qui reproduit une partie de ce que les lecteurs voient en consultant la version "papier".
Mme Robertson s'est adressée à la cour pour réclamer une injonction interlocutoire pour faire cesser la reproduction de ses textes dans certains médias électroniques.
Dans la décision Tasini, les faits sont similaires. Six pigistes ont écrit entre 1990 et 1993 vingt-et-un textes, publiés pour certains dans le journal The New York Times, d'autres dans les revues Newsweek et Sports Illustrated. Il ne fut question d'aucune façon de consentement à la reproduction des textes dans des bases de données électroniques. Au moment de la publication des textes, pourtant, les journaux et revues impliqués avait déjà des ententes avec la compagnie Mead Data Central, qui gère le serveur appelé Lexis/Nexis, bien connu des juristes, qui englobe aussi le texte d'articles provenant de plusieurs centaines de journaux et revues. Nexis ne retient que le texte même des articles fournis par les pigistes10. Il ne reproduit pas les messages publicitaires, ni les photos, ni le « format » original des textes, i.e. le choix des caractères, la place dans une page, l'en-tête de la page, etc. le New York Times a aussi des ententes avec des compagnies qui produisent et offrent au public des disques compacts, soit le New York Times OnDisc (N.Y. To) et General Periodicals OnDisc (GPO), couvrant, dans le cas du GPO, environ 200 publications. La particularité des CD-Roms est de montrer chaque texte comme il apparaissait dans la publication initiale.
Les questions à trancher
Les questions à trancher n'étaient pas les mêmes dans les décisions qui nous intéressent, malgré une grande similitude des faits, comme on vient de le voir. Ceci est dû à des différences au niveau du remède réclamé, et au contenu de dispositions spécifiques dans les lois canadienne et américaine en matière de droit d'auteur.
Au niveau procédural, il faut dire que dans l'affaire Robertson les demandeurs ont réclamé une injonction interlocutoire. Ils voulaient empêcher que leurs écrits soient inclus dans les bases électroniques de données ou dans les CD-Rom. De sorte que le juge Cumming, qui rendit la décision, devait déterminer s'il y avait au moins une apparence de droit dans leurs prétentions. Il a conclu positivement sur ce point, et sa décision essentielle a donc été un rejet de la prétention du journal à l'effet que la requête des demandeurs ne devait même pas être considérée au mérite, puisqu'il y aurait eu de leur part renonciation de leurs droits d'auteur, ou consentement implicite à la reproduction de leurs textes. On voit que cette affaire est loin d'être terminée. Elle devra être entendue au fond, sur la question de savoir si une injonction permanente sera accordée, et on peut être quasiment sûr que la décision finale, quelle qu'elle soit, sera portée en appel, vu l'importance économique des enjeux.
Au niveau de la Loi sur le droit d'auteur, les dispositions essentielles sont contenues dans la définition de « recueil », à l'article 2, et dans l'article 3, qui énumère les droits les plus importants accordés aux détenteurs de droits d'auteur. Selon l'article 2, un « recueil », comprend un journal ou une revue11. La loi accorde deux droits distincts, dans le cas qui nous concerne, sur des oeuvres littéraires. Il y a d'abord évidemment un droit reconnu à la personne qui a composé le texte paru dans un journal ou une revue. Il y a aussi un droit accordé à la personne qui a conçu le « recueil », i.e. l'ensemble du journal ou de la revue. Le caractère original de son oeuvre vient de son travail de choix des textes, et leur mise en page. La personne qui a contribué un texte ne peut donc pas empêcher un journal de publier autant d'exemplaires qu'il espère en vendre, ou de le publier à nouveau. La question cruciale sera donc de déterminer si l'inclusion des textes dans les nouveaux médias constitue ou non une « publication » ou une « reproduction du recueil initial. Si c'est le cas, le journal, ou la revue, n'a fait rien de plus que d'exercer un droit que la loi lui reconnaît à l'article 3. On peut illustrer cette nuance en prenant l'exemple d'une maison d'édition qui publie une encyclopédie. Elle peut reprendre sans le modifier un texte paru dans une ancienne édition et l'inclure dans une édition plus récente. Mais elle ne peut pas utiliser le texte d'un collaborateur dans un contexte radicalement différent, ni le vendre à une autre maison d'édition.
Notons que nous parlons depuis le début de pigistes, et non d'employés. L'article 13(3) de la loi canadienne n'est pas en jeu dans le cas qui nous intéresse, tant dans la décision canadienne que dans la décision américaine. Cette disposition prévoit que pour les oeuvres créées dans le cadre d'un contrat d'emploi, c'est l'employeur qui est le premier titulaire du droit d'auteur, à moins de convention contraire. En l'occurrence ce sont des pigistes qui ont intenté des recours. Cela n'est pas le fruit du hasard : les employés d'un journal n'avaient aucune chance de succès. On réalise donc immédiatement qu'une décision défavorable aux prétentions des éditeurs ne serait pas aussi dramatique qu'ils le laissent voir dans leur factum. C'est que la majorité des textes publiés dans les journaux et revues sont le fruit du travail d'employés au sens du Code du travail, qui ne sont pas concernés par ce litige.
Aux États-Unis le procès a commencé en 1993, par une requête, devant la United States District Court for the Southern District of New York, pour obtenir un jugement déclaratoire, une injonction et des dommages-intérêts. La cour a donné raison aux éditeurs12, mais sa décision a été renversée en appel13. Les propriétaires de journaux, de façon un peu surprenante, ont choisi de miser toute leur argumentation juridique sur une seule disposition de la loi américaine, l'article 201(c) , qui leur accorderait un « privilège » quant à la reproduction des textes. Vu son importance, nous le présentons intégralement :
« Copyright in each separate contribution to a collective work is distinct from copyright in the collective work as a whole, and vests initially in the author of the contribution. In the absence of an express transfer of the copyright or of any rights under it, the owner of copyright in the collective work is presumed to have acquired only the privilege or reproducing and distributing the contribution as part of that particular collective work, any revision of that collective work, and any later collective work in the same series. »
Ce n'est pas la première phrase qui fait problème. Elle ne fait qu'affirmer le principe qu'en ce qui concerne les recueils (les « collective works ») il y a deux droits d'auteur distincts. Ce n'est pas non plus la première partie de la phrase suivante, puisqu'il n'y a pas eu de cession, de la part des pigistes, de leurs droits. La question essentielle sera donc de savoir si les journaux et revues qui ont permis que les textes soient numérisés et inclus dans des disques compacts et des banques de données ont simplement effectué une « revision of that collective work » ou encore s'ils ont publié une oeuvre « in the same series ». La décision émane de la Cour suprême, mais elle ne met pas fin complètement au litige. Car les juges ont décidé comment l'article 201(c ) de la loi devait être interprété et appliqué, bien sûr, mais ils ont retourné l'affaire en première instance pour que soit décidée la question des remèdes à accorder. Plusieurs questions qui étaient fort pertinentes à notre avis n'ont pas non plus été traitées, vu le choix des éditeurs de ne plaider qu'une disposition de la loi. Il aurait tout de même été intéressant de savoir ce que les juges pensaient des interrogations suivantes. Les éditeurs pouvaient-ils plaider consentement implicite ou cession de droits de la part des auteurs? Pouvaient-ils plaider qu'ils faisaient une utilisation équitable (« fair use ») de l 'oeuvre des pigistes? Les dispositions de la loi américaine relatives aux bibliothèques pouvaient-elles trouver application? Peut-on affirmer que les « éditeurs électroniques » ont violé le droit d'auteur des « éditeurs-papier » en ne reproduisant pas ce qui faisait l'originalité de leur oeuvre? Quand un internaute fait apparaître sur son écran un texte, s'agit-il d'une "reproduction" ou d'une "représentation" du texte? Toutes ces questions devront attendre d'autres cas pour pouvoir être prises en considération par les juges. Le dispositif du jugement dans l'affaire Tasini est tout de même clair : les éditeurs de matériel électronique ont violé les droits des pigistes en reproduisant et en publiant illégalement leurs textes; les éditeurs de journaux et revues ont également violé la loi en permettant aux éditeurs de matériel électronique de reproduire les textes et en les y aidant .
La décision Robertson
Comme le titre de notre commentaire le laisse entendre, la question essentielle était de déterminer si la reproduction des textes des pigistes dans les CD-Roms et les banques de données électroniques violait leurs droits d'auteur, ou si cela était légal parce que constituant pour les journaux l'exercice de l'un de leurs droits, i.e. le droit de reproduire le "recueil" i.e. le journal.14 En d'autres termes, il fallait déterminer si ce qui était reproduit était l'oeuvre originale, le texte des pigistes, ou le recueil. Les entreprises propriétaires des journaux considéraient évidemment qu'elles avaient accordé seulement la permission de reproduire leur propre oeuvre. Dans le cas où cet argument ne serait pas retenu, elles ont mis de l'avant quatre autres motifs pour lesquels le juge devrait tout de même leur donner raison: (1) il y aurait eu cession ou concession de leurs droits de la part des pigistes, au sens de l'article 13(4) de la Loi sur le droit d'auteur; (2) le libellé des ententes conclues avec les auteurs, tel qu'interprété par la coutume et les pratiques du milieu journalistique, doit faire conclure qu'ils ont consenti implicitement à la reproduction de leurs oeuvres; (3) ils n'ont pas subi de dommages quantifiables; et enfin (4) il y aurait prescription, selon l'article 41 de la loi.15
En ce qui concerne l'argument principal, le juge Cumming traite d'abord les principes fondamentaux qui sous-tendent la loi sur le droit d'auteur. Il est utile d'en rappeler quelques-uns. Ce sont évidemment les pigistes qui détiennent en vertu de l'article 3 de la loi un droit exclusif d'exploiter leur oeuvre comme ils l'entendent. C'est à eux de décider s'ils acceptent que le journal publie leurs textes. Il leur appartient aussi de décider souverainement s'ils veulent accorder davantage que le droit à une publication unique. Ils conservent le droit d'offrir à d'autres éditeurs leurs écrits. Si une tierce partie approche le propriétaire d'un journal avec le projet de reproduire des textes écrits par des pigistes, leur consentement doit être obtenu. Car ils n'ont concédé que le droit de publier leur oeuvre dans un journal donné. La loi confirme que constitue une violation du droit d'auteur le fait d'accomplir l'un quelconque de gestes que la loi réserve exclusivement au titulaire du droit d'auteur16. La seule limite juridique à leur droit vient du fait que la loi considère que si le journal a suffisamment d'originalité, il devient une oeuvre en soi, et il appartient à celui qui détient le droit d'auteur sur cette oeuvre, appelée "recueil", de l'exploiter comme bon lui semble.Les pigistes ne peuvent donc empêcher les propriétaires du journal d'exploiter leurs droits sur leur propre oeuvre.
Comme on l'a mentionné, il n'y avait traditionnellement pas de problème juridique qui pouvait se poser, vu que la valeur économique d'un exemplaire d'un journal tombe pratiquement à zéro après 24 heures. La difficulté est survenue lorsqu'il a été techniquement facile et économiquement envisageable de transférer sur support numérique les exemplaires des journaux. Il faut alors se demander jusqu'à quel point ce qui est reproduit sur ces supports est l'"oeuvre" du journal, ou l'"oeuvre " des pigistes. C'est là la question cruciale.
A première vue, on serait porté à penser que la loi tend à favoriser les pigistes, vu qu'elle n'exprime pas de préférence pour un médium en particulier17. L'article 3 traite du droit exclusif des auteurs de reproduire la totalité ou une partie importante de leur oeuvre "sous une forme matérielle quelconque"18. Elle leur donne aussi un droit exclusif de "communiquer au public, par télécommunication" leur oeuvre19. Mais les droits étendus des pigistes ne doivent pas nous faire perdre de vue que les éditeurs de journaux ont des droits aussi étendus sur leur propre oeuvre. Tant qu'ils se contentent de transférer sur microfilm ou microfiche le contenu intégral du journal, ils restent parfaitement dans leur droit de "reproduire la totalité ou une partie essentielle" de leur oeuvre.
La question cruciale a été tranchée dans le sens des arguments des pigistes, mais le juge a fait voir qu'il s'en serait fallu de peu pour qu'il penche dans l'autre sens. A son avis il y a deux façons bien logiques et défendables d'envisager la question20. Car on pouvait bien rationnellement prétendre que ce qui est reproduit à l'écran de la personne qui consulte un banque de données est essentiellement le texte écrit par un pigiste, tel que paru dans la version "papier" du journal. Le contenu du texte est le même, et il y a mention du journal où il fut publié initialement. Ce qui est donc reproduit, et que consulte la personne abonnée aux banques de données, ce n'est pas seulement l'oeuvre du pigiste, mais également l'oeuvre du journal. La technologie n'a fait qu'éliminer la tâche fastidieuse qu'il aurait eue autrement de se rendre dans une bibliothèque publique (ou à la section des archives du journal) pour retracer et lire un texte qui l'intéresse. Un changement technologique dans la façon de consulter un texte ne devrait pas être un facteur décisif pour savoir si ce qui est reproduit est une oeuvre individuelle ou un recueil. Et le journal peut prétendre qu'il a publié "une seule fois" le texte du pigiste, car l'internaute consulte une reproduction exacte du texte tel qu'il avait été intégré initialement dans les pages du journal21.
Mais le juge Cumming a davantage été convaincu par l'argument selon lequel ce n'est pas essentiellement le "recueil" qui est reproduit, parce qu'il manque trop d'éléments du travail créatif des journaux. Ceux-ci ne peuvent qu'autoriser la reproduction du "recueil" en totalité, ou une partie substantielle, ce qui n'est pas le cas en l'occurrence.22 L'édition électronique des journaux reproduit une partie seulement du travail créatif qui a été accompli dans la fabrication du journal, comme le choix des textes, leur longueur, mais il y aurait trop d'éléments absents. L'éditeur d'un journal peut donc produire une version électronique et l'offrir au public, mais il doit s'agir de la version intégrale du journal paru à une date donnée23. En l'occurrence, on a jugé que ce qui était reproduit était le texte isolé d'un article écrit par un pigiste, séparé de l'oeuvre dans laquelle il avait été incorporé initialement. Pour le juge Cumming, c'était comme si le journal, ou une compagnie à laquelle il en avait donné la permission, avait photocopié isolément chacun des textes parus dans chaque édition du journal, les conservait dans des archives, et en envoyait une copie à chaque client qui en réclamait une. Ce n'est plus une part substantielle de travail créatif du journal qui est dans un tel cas reproduite24.
En ce qui concerne les autres arguments présentés par le Globe and Mail, le juge Cumming ne les a pas tous tranchés. Il a estimé qu'ils étaient suffisamment sérieux pour qu'ils méritent d'être évalués par le juge qui aura à se prononcer sur la demande d'injonction permanente. Plusieurs arguments reposaient sur des témoignages contradictoires. Le juge du fond aura à trancher ces questions.
Mais on peut tout de même examiner les quelques éléments que nous livre le juge Cumming. Un premier argument était à l'effet, on s'en souvient, qu'il y aurait eu de la part des pigistes cession ou licence au sens de l'article 13(4) de la loi. Rappelons que la cession est l'équivalent d'une vente d'un ou plusieurs des droits exclusifs que la loi accorde aux créateurs. Il y a donc transfert de propriété, et il n'est plus possible pour le "vendeur" de faire marche arrière. La licence, par contre, est une concession d'un intérêt dans un de ses droits. Le créateur permet ainsi à une personne d'accomplir un des actes que la loi lui réserve exclusivement. On pourrait faire la comparaison avec une location d'un objet quelconque, où il n'y a pas de transfert de droit de propriété. L'argument des propriétaires de journaux est surprenant à première vue puisque l'article 13(4) de la loi est clair à l'effet que dans le cas d'une cession il faut un écrit: "...la cession ou la concession n'est valable que si elle est rédigée par écrit et signée par le titulaire du droit qui en fait l'objet..."25. Mais la jurisprudence admet qu'une licence puisse être accordée implicitement26. L'argument du journal était à l'effet qu'au moment de l'entente verbale conclue avec Mme Robertson, elle connaissait l'existence du service Info Globe Online, qu'elle utilisait elle-même de temps à autre. Il devait aussi y avoir un terme sous-entendu dans leur entente, pour permettre au journal d'exploiter commercialement son produit. Autrement, il faudrait contacter les auteurs chaque fois qu'un nouveau médium devient disponible, ce qui ne serait pas pratique du tout...Sur ce point le juge Cumming ne prend pas de décision finale, mais il estime que selon les faits apportés en preuve, il faudrait peut-être davantage parler de renonciation de la part de Mme Robertson à ses droits27. Mais cela pose problème car selon la jurisprudence de common law il faudrait que le journal ait fait une erreur de bonne foi sur l'étendue de ses droits, et que la demanderesse ait bien connu l'étendue de son propre droit, ce qui est en contradiction avec ce que le Globe prétend.
Un second moyen de défense du Globe concernait l'interprétation de l'entente conclue avec Mme Robertson. Au moment où le litige a pris naissance, le journal avait adopté une politique sur les contributions des pigistes. Elle contenait une disposition qui se lit comme suit: " Acceptance by the Globe of freelance articles for publication gives the Globe first publication rights and the right to include the articles in Info Globe and The Globe and Mail FAXsummary and on microfilm, microfiche and compact disc."28 La preuve a montré que ce document, qui devait être envoyé "to all editors for distribution to all freelancers to be used in the future" n'a jamais été porté systématiquement à la connaissance des pigistes. La cour a estimé que ce document n'avait pas de force juridique, en vertu du principe selon lequel aucune partie à un contrat ne peut en changer unilatéralement les termes29.
Notons en passant que si le litige avait eu lieu au Québec, le juge n'aurait pas eu de difficulté à conclure dans le même sens. Il y a en effet plusieurs dispositions qui ont été ajoutées dans le nouveau code civil, dans le livre sur les obligations, qui réduisent la portée de l'ancienne règle selon laquelle "le contrat est la loi des parties". Ainsi, l'article 1375 prévoit que la bonne foi doit gouverner en tout temps la conduite des parties. Il devient ainsi plus difficile à une personne de prétendre qu'une entente contient implicitement plusieurs dispositions défavorables à l'autre. D'autre part, si on considère que la politique du journal constitue une clause externe, l'article 1435 prévoit qu'elle lie les parties, si le contrat y renvoie, ce qui n'est pas le cas en l'occurrence. Le deuxième paragraphe de cet article mentionne que dans le cas du contrat d'adhésion, ce qui est probablement le cas pour la majorité des gens qui proposent des textes aux journaux, la clause externe est invalide à moins d'avoir été expressément portée à l'attention de la partie qui y adhère. Finalement, selon l'article 1437, est nulle une clause abusive, i.e. celle qui désavantage l'adhérent "de manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l'encontre de ce qu'exige la bonne foi". Mme Robertson aurait donc une cause encore meilleure ici qu'en Ontario.
Un autre argument du journal était à l'effet que les personnes ayant intenté le recours collectif n'ont pas subi de dommage identifiable. En ce sens que l'accessibilité plus grande de leurs textes peut leur être économiquement bénéfique. Davantage de personnes pourraient par exemple vouloir acheter le livre de Mme Robertson dont le journal avait publié des extraits30. Le juge Cumming a mentionné que d'autres arguments militaient dans le sens contraire. Ainsi les banques de données électroniques réduisaient grandement le droit des auteurs de vendre leurs textes à d'autres revues ou journaux qui sont publiés dans une autre partie du pays. De toute façon, son rôle est de déterminer quels sont les droits de chacun en vertu de la loi, sans tenir compte des impacts économiques de sa décision31.
La décision Tasini
Dans cette décision, une majorité de 7 juges en sont également arrivés à la conclusion que les droits des pigistes avaient été enfreints. Et ce, parce que ce qui était reproduit dans les banques de données et les disques compacts était constitué essentiellement de leurs propres textes, et non du travail de création que le journal avait fourni, au niveau de leur sélection, de leur arrangement, etc.
Les juges ont d'abord étudié l'état du droit applicable avant 1976, année où l'article 201 (c) fut adopté32. Les règles alors en vigueur protégeaient très peu les pigistes. D'abord, leurs droits n'étaient maintenus que si le journal incluait une mention à cet effet. Ils ne pouvaient pas non plus empêcher que leurs textes soient publiés ailleurs, une fois la permission de publier accordée, vu ce qu'on appelait la théorie du caractère indivisible du droit d'auteur. Ainsi donc si l'avis relatif au maintien du droit d'auteur mentionnait seulement le droit de l'éditeur, le pigiste perdait tous ses droits. Son texte tombait dans le domaine public instantanément.
L'amendement de 1976, entré en vigueur en 1978, a mis fin à la théorie de l'indivisibilité du droit d'auteur, et a fait la nette distinction entre les droits des créateurs des textes initiaux, et ceux des journaux, qui les incorporent dans un tout distinct. Il n'était plus nécessaire d'indiquer à chaque fois une mention spécifique pour conserver les droits des pigistes. On a ainsi mis fin à une tradition vieille d'environ 200 ans à l'effet que les droits d'auteur étaient davantage identifiés aux éditeurs qu'aux créateurs des textes33. Les pouvoirs des journaux en ce qui concerne les droits d'auteur des pigistes sont maintenant délimités à l'article 201( c). Rappelons-en les dispositions essentielles. En l'absence d'une entente au contraire, l'éditeur du journal n'acquiert que le droit de reproduire le texte des pigistes dans les publications suivantes : le recueil dans lequel le pigiste a autorisé la publication, toute « revision » du recueil, et tout recueil futur « in the same series ».
Les juges ont interprété ces termes dans le sens d'un nouvel équilibre des forces entre les pigistes et les éditeurs de journaux et revues. Si les pigistes trouvent d'autres éditeurs intéressées à publier leurs textes isolément, ou si se présente la possibilité de les faire publier dans un autre « recueil », i.e. journal ou revue, ils ont la possibilité de le faire. En l'occurrence, plusieurs des droits fondamentaux des pigistes, prévus à l'article 106 du Copyright Act, ont été violés. Cette disposition correspond essentiellement à l'article 3 de la loi canadienne. Les compagnies qui font les CD-Roms et celles qui gèrent les banques de données ont « reproduit » les textes sans permission et ont « offert en vente au public » des exemplaires de l'oeuvre originale. Les journaux, pour leur part, sont fautifs car ils ont autorisé la reproduction et la mise en circulation des textes34.
Les éditeurs de journaux ont concédé assez rapidement qu'ils enfreignaient l'article 106 de la loi. Mais, à leur avis, cela n'était pas déterminant, car ils bénéficiaient d'une exception. L'article 201( c) les exonérerait de toute responsabilité. Car il leur permet de réutiliser les textes à certaines fins. Ils ont utilisé ce que la loi appelle le « privilege of reproducing and distributing the (articles) as part of ... a revision of that collective work ». Pour décider de la valeur de cet argument, les juges ont pris en considération la façon dont les articles sont présentés aux utilisateurs des banques de données, et la façon dont ils sont perçus par eux35. En lisant leurs motifs, on peut reconnaître plusieurs des choses dites dans la décision Robertson. Les serveurs comme Lexis/Nexis invitent d'abord les internautes à chercher dans leurs bases de données composées de dizaines de millions d'articles, provenant de centaines de journaux et revues. Lorsque le résultat d'une recherche apparaît à l'écran, les textes sont dépouillés de tout élément pouvant les rattacher visuellement à un journal ou une revue donnée : le choix des caractères, leur grosseur, les en-têtes, les textes qui les accompagnaient sur la même page, etc. Il n'y a qu'une seule banque, celle de General Periodicals OnDisc (GPO) qui reproduit l'équivalent d'une page complète d'un journal. Les juges ont estimé que cela ne pouvait tout simplement pas être considéré une « revision » d'un recueil. S'inspirant de la définition de ce terme dans le dictionnaire Webster, ils écrivent dans une phrase qui nous paraît cruciale : « Revision » denotes a new "version", and a version is in this setting a "distinct form of something regarded by its creators or others as one work" »36. L'ensemble de la base de données ne peut donc pas être considéré comme une nouvelle version de chacune de ses pièces la composant. La mention du journal ou de la revue où le texte avait initialement paru ne suffit pas, car elle ne fait qu'indiquer qu'un texte a déjà été incorporé dans un journal ou une revue, mais n'en fait manifestement plus partie.
Le New York Times a aussi tenté de présenter les nouveaux mode de dissémination des textes comme une extension ou une évolution de la technologie qui est utilisée dans la fabrication des microfilms et microfiches37. Encore ici, comme dans l'arrêt Robertson, on a jugé qu'il y avait une grande différence entre une technologie qui présente un article dans son contexte, si on peut dire, et celle où les textes sont détachés de tout ce qui les a déjà reliés à une publication donnée. Notons ici que les juges n'ont pas pris position sur la question de savoir si Nexis avait enfreint la loi en ne reproduisant pas le caractère distinctif de l'"oeuvre" du New York Times. Ils se sont contentés d'affirmer que les bases de données n'étaient pas une « revision » des journaux ou revues, à partir de laquelle les textes des pigistes seraient reproduits et distribués au public.
Les grands médias avaient aussi fait jouer la carte à l'effet que la loi cherche à être technologiquement neutre. Exact, de dire les juges, sauf que ce qui est incorporé dans les banques de données n'est pas la version intégrale du journal ou de la revue qui passerait simplement d'un médium à un autre. Une technologie véritablement « media-neutral » serait telle qu'elle préserverait les droits des pigistes dans leurs textes, ce que les médias ne veulent justement pas concéder...38
Les juges ont eu recours à une analogie entre ce que les médias électroniques font et le cas d'une bibliothèque qui photocopierait et conserverait à part chaque texte publié dans un journal ou une revue. Les utilisateurs pourraient consulter un ou plusieurs textes, en utilisant des répertoires mis à leur disposition. Ce service violerait la loi de deux façons. D'abord, même si les textes avaient été photocopiés exactement comme ils étaient apparus initialement, on ne pourrait dire qu'ils font partie d'une « révision » ou d'une nouvelle version de l'édition dans laquelle ils ont été publiés initialement; on violerait de plus le droit des pigistes de décider s'ils vont concéder à d'autres journaux ou périodiques le droit de reproduire leur oeuvre : « Such a storage and retrieval system effectively overrides the author's exclusive right to control the individual reproduction and distribution of each article »39.
Le New York Times avait retenu les services du réputé constitutionnaliste Laurence Tribe, de l'Université Harvard. Celui-ci avait insisté sur le fait que de décider en faveur des pigistes risquait d'avoir des conséquences « dévastatrices ». Plusieurs historiens s'étaient déclarés de cet avis. Une décision adverse créerait des « trous béants » dans les banques de données qui devraient être expurgées d'une partie très substantielle de leur contenu. La réponse des juges a consisté à dire que l'émission d'une injonction n'était pas la seule et unique suite logique à donner à leur décision. Les parties au litige pourraient s'entendre, après négociations, sur les droits à payer pour que les textes puissent continuer à être reproduits dans les banques de données. Le Congrès pourrait aussi intervenir pour déterminer les droits à payer pour ce qui est déjà dans les banques de données. De toute façon, ont-ils rappelé, ces difficultés ne doivent pas leur faire perdre de vue qu'ils ont à trancher une question juridique en fonction de l'état du droit à ce moment... La décision rendue en appel a donc été confirmée.40
La décision Tasini renferme une dissidence importante, écrite par les juges Stevens et Breyer. Leur perception des règles juridiques applicables n'est pas complètement à l'opposée de la position des juges majoritaires. Il y a même consensus sur plusieurs points. Les juges sont d'accord sur l'état du droit avant la modification apportée en 1976, et sur le but du changement en question: clarifier et améliorer la situation juridique des personnes contribuant des textes aux journaux et revues41. De façon plus importante, il y a accord sur la question essentielle à trancher, à savoir jusqu'à quel point les textes offerts sur CD-Roms et dans les banques de données sont encore reliés au "contexte" dans lequel ils ont initialement paru. Les juges dissidents reconnaissent aussi que leur décision n'aurait pas eu pour effet d'ôter aux pigistes leur droit d'autoriser la publication de leurs textes dans d'autres médias42.
Les juges minoritaires ont estimé que pour trancher la question posée, ils devaient procéder en deux temps: il fallait d'abord considérer, ce que la majorité n'a pas fait suffisamment, le statut juridique des textes qui sont "épurés" par les médias avant d'être envoyés aux compagnies exploitant les banques de données et les CD-Roms, puis considérer le travail de ces dernières, lorsqu'elles les incorporent dans le produit final offert au grand public.
Sur le premier point, ils sont d'avis que la position des journaux et revues est conforme à l'intention du Congrès lorsqu'il a amendé la loi en 1976, et avec le libellé du texte de l'article 201( c). En effet, les journaux n'envoient pas aux éditeurs électroniques une simple photocopie de leur produit. Ils expédient des données en code ASCII43, qui ne contiennent que le texte lui-même d'un article, et certains éléments qui aideront le chercheur à le repérer. L'ensemble de ces fichiers, représentant l'édition d'un journal pour une journée, constituerait juridiquement une "revision" de cette édition44. Et ce, de la même façon que le New York Times peut offrir au public une édition en braille, en langue étrangère, ou sur microfilm. Les différences importantes que les juges majoritaires ont vues dans les éditions électroniques des textes tiendraient plus à des caractéristiques propres à ces nouveaux moyens de communication. Elles ne devraient rien changer aux droits des parties impliquées. Tout comme un journal est divisé en sections, puis en pages, l'édition électronique possède ses caractéristiques inhérentes de fonctionnement que l'on doit respecter. Cette façon de voir les choses respecterait davantage le principe du "media-neutrality"45. Tant que chaque texte contient les indications relatives au journal ou à la revue où il a été publié, à la page où il a paru initialement et aux autres textes qui l'accompagnaient dans le même numéro, il n'y a pas de problème juridique. On se trouve à conserver le travail intellectuel accompli par les journaux ou revues, i.e. le choix de publier ou non, la longueur des textes, l'endroit où ils ont paru, etc.
En envisageant le choses de cette façon, il devient facile de deviner que les juges dissidents ont estimé que le travail effectué après la réception des textes n'avait pas, lui non plus, d'impact juridique. Chaque fichier, même incorporé à des milliers d'autres, rappelle au lecteur dans quel journal ou revue le texte est paru, à quel endroit, et que l'ensemble du journal ou de la revue en question peut être consulté46. Le fait donc qu'une personne puisse consulter le texte d'un article isolément ne change rien à la nature de la "revision" contenue dans les banques de données.
Mentionnons enfin un dernier point de discorde entre les juges, relatif à la portée d'une décision favorable aux médias sur la valeur des droits d'auteur des pigistes. Pour les juges majoritaires, l'impact serait très négatif, vu qu'ils perdraient à toutes fins pratiques le contrôle de leurs écrits une fois donnée la première permission de publication. Comme l'utilisateur intéressé peut consulter et faire imprimer tous les textes désirés, il n'aurait plus d'incitatif à acheter de nouvelles éditions des textes des pigistes. Le Registraire des droits d'auteur a d'ailleurs témoigné en ce sens: les pigistes auraient subi, à son avis, une perte économique importante depuis cette dernière révolution technologique.47 Les juges dissidents pensent plutôt que l'effet contraire peut se produire. En donnant plus de portée aux textes des pigistes, ils sont connus d'un plus grand public. Ils ont ainsi plus de chances de voir des personnes désireuses d'acheter une monographie par exemple, dont une revue aurait publié des extraits. L'impact accru des médias électroniques augmente leur pouvoir de négociation vis-à-vis les journaux et revues pour obtenir des cachets plus élevés48.
Portée des décisions
Que penser de ces deux décisions? Auront-elles un impact majeur sur le désir des compagnies d'offrir au public un accès rapide et bon marché au texte numérisé de dizaines ou centaines de journaux et revues? Probablement pas. Rappelons qu'elles n'affectent aucunement les droits des employés des médias. A moins qu'ils n'acquièrent une force économique suffisante pour inclure dans leurs conventions collectives une disposition à l'effet qu'ils gardent leurs droits d'auteur, leurs employeurs conservent le premier droit d'auteur sur leurs écrits. Pour ce qui est des pigistes, rien n'empêche les médias d'inclure dans les contrats une clause-type à l'effet qu'ils cèdent automatiquement l'ensemble de leurs droits, y compris donc tout ce qui touche aux à la reproduction dans le monde de l'électronique. Encore ici, tout se jouera sur une question de force économique. La loi sur le droit d'auteur ne fait pas disparaître l'impact de la loi de l'offre et de la demande, ne l'oublions pas. Les pigistes semblent à première vue, au lendemain de ces décisions, dans une situation avantageuse. Mais les médias, en négociant à la pièce, i.e. avec chacun individuellement, peuvent facilement imposer leurs conditions49. Les pigistes ne bénéficient pas de la présence d'une société de gestion chargée de négocier des tarifs et de les faire approuver par la Commission du droit d'auteur, comme c'est le cas dans le domaine de la musique.50
Sur le strict plan juridique, on peut dire aussi que les décisions s'inscrivent dans une continuité. Au Canada, on peut faire le parallèle avec la décision Allen c. Toronto Star, mettant en jeu une problématique fort semblable51. Dans cette affaire, un photographe à la pige, M. Allen, s'était entendu en 1985 avec la revue Saturday Night afin de faire des photos de Mme Sheila Copps, alors députée de l'opposition à la Chambre de Communes. Une de ses photos fit la couverture de l'édition de novembre '85 de la revue. Il fut payé le prix convenu, et on lui remit ses négatifs. Ce qui amena un conflit fut que, 5 ans plus tard, le journal Toronto Star publia un reportage sur Mme Copps, accompagné de deux photos, dont une était la reproduction exacte, mais en format réduit, de la page couverture de l'édition du Saturday Night de novembre '85. Le journal se défendit de l'accusation portée par M. Allen relative à ses droits d'auteur en arguant (a) qu'il n'y avait pas eu infraction à ses droits car ce qui était reproduit était une partie d'un "recueil", donc l'oeuvre de la revue, pas celle du photographe, et (b) que dans tous les cas il y avait eu "utilisation équitable" de l'oeuvre reproduite.
Sur le premier point, le juge Sedwick reprit la distinction entre l'oeuvre créée par le photographe et celle de la revue. Tout le monde s'entendait pour reconnaître au photographe un droit exclusif de reproduction de sa propre oeuvre. Mais, s'appuyant sur une jurisprudence récente de la Supreme Court de Colombie-Britannique, il expliqua qu'à l'égard d'un journal ou d'une revue: "It is not the several components that are the subject of the copyright, but the overall arrangement of them which the plaintiff through his industry has produced.52" A moins que la revue ait utilisé, pour réaliser le numéro en question, des oeuvres qu'elles n'avait pas le droit de reproduire, ce qui n'était pas le cas, elle pouvait reproduire à sa guise sa propre oeuvre, ou permettre à quelqu'un d'autre de le faire. Quant aux termes du contrat avec le photographe, il était oral, et rien dans les coutumes ou usages de ce secteur d'activité humaine ne permettait de conclure qu'il aurait aussi un droit d'auteur s'étendant au produit créé par la revue. Ce qu'il avait concédé était les "first rights" quant aux photos. Il pouvait donc les réutiliser, ou les vendre à d'autres personnes. Mais la revue, qui avait conservé les plaques ayant servi à l'impression de la page couverture de l'édition controversée de novembre '85, pouvait les réutiliser, tant que ce qui était reproduit était une réplique exacte de ladite page couverture, et non la photo seule. Là était la nuance importante.53
Le juge Sedwick accepta également l'argument basé sur la notion d'utilisation équitable. Au moment du litige, c'est l'article 29 (2)(a) de la Loi sur le droit d'auteur qui était en cause, permettant l'utilisation équitable de toute oeuvre "pour des fins d'étude privée, de recherche, de critique, de compte-rendu ou en vue d'en préparer un résumé destiné aux journaux"54. Le juge a essentiellement décidé qu'il s'agissait d'un reportage sur une question d'affaires publiques, où le concept d'utilisation équitable reçoit plus facilement application. La reproduction de la page couverture de la revue avait été faite comme complément à un article de fond sur le monde de la politique, était donc un élément mineur dans un ensemble plus grand, et ne cherchait pas à empêcher le photographe ni la revue Saturday Night à exploiter commercialement leur oeuvre respective. Le juge s'est dit en désaccord avec une règle datant de 1943 où la Cour de l'Échiquier55 avait dit que la reproduction de la totalité d'une oeuvre, même dans le but d'en faire une critique, etc, était presque toujours illégale. On s'est plutôt basé sur l'arrêt anglais Hubbard56, dans lequel les juges ont dit qu'en matière d'utilisation équitable, tout est question de degré. Dans la mesure où un extrait d'une oeuvre, même très long, sert authentiquement à l'une des fins mentionnées dans la loi, il peut fort bien s'agir d'une utilisation que le tribunal estimera équitable. Ce qui fut le cas ici, vu la nature et le but de l'utilisation faite par le Toronto Star.
Aux États Unis, Sidney Rosenweig a fait, en doctrine, une excellente étude de l'état du droit sur la question57. Sa revue de la jurisprudence couvre un siècle! Il explique que la première règle utilisée par les tribunaux sur la possibilité de réutiliser un texte dans un nouveau médium est d'étudier attentivement les termes du contrat initial. Cette démarche aboutit généralement à un cul-de-sac, vu que la plupart des ententes sont totalement muettes sur le sujet58. Les tribunaux ont donc eu à élaborer des règles pour suppléer à cette carence. Deux grands courants jurisprudentiels se sont opposés au cours des ans, tous deux décriés par l'auteur. Selon le premier, on essaie de déterminer si les termes de l'entente initiale peuvent, par extension, être interprétés de façon à viser le nouveau médium. Comme l'explique Rosenweig, cela est conceptuellement critiquable, car on se trouve à se demander non pas si les termes utilisés par les parties contractantes peuvent recevoir tel sens, mais si aujourd'hui elles pourraient viser tel nouveau médium, même si les parties n'avaient jamais envisagé seulement cette question59! Selon un autre courant jurisprudentiel, on doit déterminer jusqu'à quel point le nouveau médium était prévisible lors de l'entente initiale. S'il l'était, le cessionnaire acquiert les droits d'auteur pour ce nouveau médium; sinon, le cédant, i.e. l'auteur initial, conserve tous ses droits pour le futur.60 Dans les cas donc où le nouveau médium n'existait pas du tout lors de l'entente, les tribunaux ont été peu enclins à permettre aux créateurs de profiter d'un nouveau médium pour tirer profit une nouvelle fois de leurs oeuvres. Cette approche comporte aussi ses faiblesses inhérentes, car on fait dépendre les droits des parties de quelque chose qui est très difficile à déterminer, soit le moment où un nouveau médium est apparu. Et là encore, il faudra se demander si on doit se placer au moment où la nouvelle technologie était seulement envisageable, ou était à l'étape de recherche et développement, ou à un autre stade de son apparition sur le marché61. La jurisprudence américaine n'a donc par réussi à formuler au cours des ans un critère simple, facile à utiliser, qui aurait fait consensus...
On peut tout de même remarquer que la décision Tasini va dans le même sens qu'une autre, rendue juste quelques mois plus tôt par une cour d'appel concernant la National Geographic Society.62 Un ancien photographe à la pige, M. Greenberg, s'opposa à ce qu'on réutilise ses photos dans l'édition sur CD-Rom de la collection complète de la revue.
Il faut tout de suite dire que le juge Birch, qui a rendu la décision, a considéré que l'"oeuvre" de la Society était composée de trois éléments. D'abord, lorsque l'usager lance sur son ordinateur l'application "CD-Rom", un court vidéo de moins de 30 secondes apparaît à son écran, montrant le logo de la compagnie, puis une série de photos, dont certaines faites par le plaignant. C'est ce qu'il appelle la "sequence". Il y a ensuite les disques compacts, qui reproduisent le contenu exact des textes et photos parus dans les numéros antérieurs de la revue, ce qu'il appelle "replica". Quelques photos prises par le plaignant étaient en cause ici aussi. Il y a enfin un programme informatique (le "program"), permettant aux utilisateurs de naviguer dans la collection des 30 disques et retrouver ce qui les intéresse.
Ce qui est frappant dans cette décision est qu'il fut jugé que les droits du photographe ont été enfreints même si ce qui apparaît à l'écran des usagers est la réplique exacte des textes et images de la revue: la seule différence résidant dans leur taille et leur résolution, i.e. la netteté de l'image. En ce sens, elle apparaît encore plus intransigeante que la décision Tasini.
La Society a concédé qu'elle avait enfreint l'un des droits que la loi accorde initialement aux créateurs des oeuvres, mais qu'elle bénéficiait de l'exception prévue à l'article 201 (c ) de la loi américaine. Le tribunal a d'abord dit que cette disposition ne conférant qu'un privilège, non un droit, il devait être interprété restrictivement63. Il a ensuite jugé que la Society ne faisait pas une "revision" de son oeuvre, i.e. la revue bien connue, lorsqu'elle la transférait sur support informatique, parce que ce qui était reproduit était composé de deux éléments: la "sequence" et le "program". La loi, rappelelons-le, permet aux éditeurs de journaux et revues de reproduire " the contribution as part of that collective work, any revision of that collective work, and any later collective work in the same series.". La Society reproduisait plus que son oeuvre originale. Son droit se limite à reproduire un texte déjà paru dans un nouveau numéro de la revue, ou dans une nouvelle édition d'une encyclopédie. Mais elle ne peut le "reviser" ni le publier dans une anthologie complètement nouvelle, ou une nouvelle revue, ou un nouveau "recueil", pour utiliser l'expression de la loi canadienne. Ici, bien que cela surprenne, il fut jugé que la Society avait publié une oeuvre entièrement nouvelle, dans un nouveau médium, pour un nouveau marché64...
On a rejeté aussi l'analogie avec les microfiches et microfilms, car il y aurait une différence très importante, au niveau des droits d'auteur, dans le fait que dans le cas des ordinateurs il faut qu'intervienne un programme informatique pour que l'usager puisse avoir accès aux textes et images recherchées.65 On a refusé aussi de considérer que la Society avait exercé l'un des droits prévus aux différents paragraphes de l'article 3 de la loi canadienne, qu'on appelle généralement le droit d'adapter l'oeuvre66. Ils prévoient que l'auteur a également le droit de traduire son oeuvre, de transformer une oeuvre dramatique en une oeuvre non dramatique, ou l'inverse (par exemple faire un film d'un roman), etc. C'est qu'aux yeux du juge Birch, pour bénéficier de ces droits, le produit fini doit être une oeuvre originale, alors que l'essentiel de ce qui est reproduit par la Society, la "replica", ne donne pas lieu à une nouvelle oeuvre. Quant à la "sequence", elle enfreignait le droit exclusif du photographe de faire justement ces adaptations de son oeuvre. On a même rejeté l'argument basé sur la notion de "fair use". Étant donné qu'une photo au moins prise par le plaignant apparaissait dans la "sequence" et serait vue par des milliers d'utilisateurs chaque fois que le programme est lancé, on ne peut dire qu'il s'agit d'un emprunt mineur d'une oeuvre appartenant à quelqu'un d'autre.
Quant à nous, si on nous permettait de formuler une position personnelle sur la question en jeu dans ces arrêts, nous dirions d'abord que la décision Greenberg nous apparaît très critiquable. Tantôt la cour dit que la Society a créé une nouvelle oeuvre, simplement parce qu'un clip vidéo de moins de 30 secondes a été ajouté à son produit. Tantôt on lui dit qu'elle n'a pas fait d'adaptation de son oeuvre parce que ce qui est reproduit est tout à fait conforme à ce que la revue en papier contenait! C'est presque contradictoire.
D'autre part, nous sommes essentiellement d'accord avec les décisions Robertson et Tasini. A première vue, c'est vrai, on peut avoir l'impression que les juges accordent trop d'importance au fait que ce qui est reproduit dans les médias électroniques n'est pas exactement la réplique de ce qui était paru dans un journal ou une revue. Le bon sens nous dit que chaque médium a ses caractéristiques propres, qui ne devraient pas provoquer de changement dans la question de l'attribution des droits d'auteur. Mais il reste que si les pigistes se trouvent à perdre le contrôle de la publication de leurs écrits dans les nouveaux médias, les autres droits qui sont censés leur rester se trouvent à perdre toute pertinence. A part le cas où un journal ou une revue aurait publié un extrait seulement d'un long texte, comme un extrait d'une monographie, l'utilisateur des banques de données se trouve à avoir accès à la totalité de ce qu'un pigiste a écrit. Quel autre journal ou quelle autre revue verrait un intérêt à offrir de l'argent à une personne pour obtenir la permission de reproduire un de ses écrits? Il nous semble que la solution pratique au problème posé par l'apparition d'un nouveau médium serait que les pigistes reçoivent des sommes supplémentaires à titre de droits d'auteur, quand ils contribuent des textes, pour tenir compte du fait que ces écrits vont rapidement se retrouver dans des banques de données et devenir accessibles à tous.
* Back René Pepin, professeur , Faculté de droit, Université de Sherbrooke.
1 Back C'est l'équivalent, au Québec, d'une décision de la Cour supérieure. Courts of Justice Act, R.S.O. 1990, c. 43, art. 1.1.
2 Back Robertson c. Thomson Corp, (2001) O. J. no. 3868, en ligne: QL (O.J). (ci-après Robertson)
3 Back New York Times, et al c. Jonathan Tasini et al., 121 S. Ct. 2381 (2001). (ci-après NY Times) La décision est datée du 25 juin 2001. Elle a été partagée, deux juges sur neuf étant dissidents.
4 Back Loi sur le droit d'auteur, R.C.S. 1985, c. C-42.
5 Back Federal Copyright Act (FCA), 17 U.S.C. § 100 (1988).
6 Back Le recours voulait englober tous les pigistes ayant collaboré avec le journal depuis 1942.
7 Back Le texte de l'entente spécifiait : « ...this one time usage ». Robertson, supra, note 3 para. 17.
8 Back Ibid. para. 19.
9 Back Ibid. para. 20.
10 Back Les maisons d'éditions électroniques partagent leurs revenus avec les éditeurs de journaux et revues qui leur fournissent des textes, mais pas avec les auteurs de ces textes. Pour un bon résumé des faits dans cette affaire, J. T. Elder, "Supreme Court to Hear Arguments of Electronic Database Copyright for Freelance Journalists", 7 B.U.J. Sci. & Tech. L. 406.
11 Back On peut aussi penser à une anthologie, aux actes d'un colloque, ou à un choix des oeuvres d'un même auteur.
12 Back Tasini v. New York Times Co., 972 F. Supp. 804 (SDNY 1997).
13 Back Tasini v. New York Times Co., 206 F.3d 161 (2nd Cir. 2000).
14 Back Robertson, supra note 3 para. 4.
15 Back Nous ne traiterons pas de ce dernier point, qui concerne les droits des personnes impliquées dans le recours collectif, car les règles applicables relèvent du domaine de la procédure civile, dont les prescriptions sont différentes en Ontario et au Québec.
16 Back Loi sur le droit d'auteur, supra note 5, art. 27.
17 Back Les auteurs anglophones disent qu'elle est "media- neutral", ce qui décrit bien la réalité. J. S. McKeown, Fox Canadian Law of Copyright and Industrial Designs, 3rd ed., Toronto, Carswell, 2000, à la p. 115.
18 Back Loi sur le droit d'auteur, supra note 5, art. 3(1).
19 Back Ibid., art. 3(1)(f).
20 Back Robertson, supra note 3 para. 111 à 128.
21 Back Ibid. para. 116.
22 Back Ibid. para. 117.
23 Back Ibid. para. 120.
24 Back Ibid. para. 122-124.
25 Back la Loi sur le droit d'auteur, supra note 5, art. 13(4).
26 Back Netupsky c. Dominion Bridge Co., (1972) R.C.S. 368, à la p. 377. En doctrine, voir McKeown, supra note 18, à la p. 391. Aux Etats-Unis, la jurisprudence considère qu'on ne peut jamais conclure à une renonciation de ses droits par le comportement d'une personne, par exemple son inaction: Dodd, Mead & Co. v. Lilienthal, 514 F.Supp. 105, 108 (SDNY 1981). La mention à l'endos d'un chèque émis par une revue à l'effet que la personne qui l'encaisse "renonce à tous ses droits" n'a pas été jugée suffisante: Playboy Enterprises c. Dumas, 53 F. 3rd 549 (2d. Cir. 1995).
27 Back Robertson, supra note 3, para. 167-170.
28 Back Ibid. para. 130.
29 Back Ibid. para. 134. Quant aux usages et coutumes auxquels on peut référer pour interpréter un contrat, le juge a noté qu'il y avait des témoignages contradictoires à ce sujet, de sorte qu'il devait référer l'affaire à celui qui déciderait du sort de l'injonction permanente.
30 Back Ibid. para. 138.
31 Back Ibid. para. 136, 139-40.
32 Back NY Times, supra note 4, à la p.2387-8.
33 Back Ibid. à la p. 2389, note de bas de page no. 3.
34 Back Ibid. à la p. 2394. Au Canada, on dirait que les journaux ont violé les droits des pigistes prévus à l'article 3 in fine, i.e. qu'ils ont enfreint leur droit exclusif d'autoriser l'un ou l'autre des actes que la loi leur réserve, ou qu'ils ont enfreint l'art. 27(2), en ce sens qu'ils ont accompli un acte alors qu'ils savaient ou auraient dû savoir que la production de l'exemplaire constituait une violation de leur droit.
35 Back NY Times, supra note 4, à la pp. 2390-2.
36 Back Ibid. à la p. 2391. La consultation des dictionnaires anglais-français va effectivement dans le même sens. Le terme "revision" réfère à un nouvel examen d'un texte, dans le but de le modifier, de l'améliorer, ou de le mettre à jour.
37 Back Ibid. à la p. 2392.
38 Back Ibid.
39 Back Ibid. à la p. 2393.
40 Back Ibid. à la p. 2393-4.
41 Back Ibid. à la p. 2396.
42 Back Ibid. à la p. 2396 et 2397.
43 Back Ce qui signifie: "American Standard Code for Information Interchange". Il s'agit d'un protocole élaboré pour permettre le "storage" et l'échange entre ordinateurs de textes seulement, et non d'images ou de pièces musicales.
44 Back NY Times, supra note 4, à la p. 2397.
45 Back Ibid. à la p.2399.
46 Back Ibid. à la p.2400.
47 Back Ibid. à la p. 2389, note de bas de page no. 6.
48 Back Ibid. à la p. 2399 et 2400. On a fait référence à l'arrêt Sony Corp. c Universal City Studios, 104 S. Ct. 774 (1984)., sur la légalité de l'utilisation des appareils vidéo. La Cour suprême avait traité de l'argument selon lequel ces appareils allaient faire diminuer la possibilité des studios de cinéma d'exploiter au maximum leurs droits d'auteur sur les films. Elle répondit qu'une exploitation judicieuse de leurs droits pouvait limiter grandement ces inconvénients: il faut d'abord évidemment présenter les films dans les salles de cinéma, puis exploiter le marché des clubs vidéo, et finalement accorder les droits de diffusion à la télévision. On aurait pu aussi faire allusion à l'affaire Téléprompter (Columbia Broadcasting System v Teleprompter 94 S. Ct. 1129 (1974), sur l'obligation ou non des entreprises de télévision par câble de payer des droits d'auteur sur les signaux qu'elles captent dans l'air libre et redistribuent à leurs abonnés. Au dire de la Cour suprême, elles se trouvent en réalité à augmenter l'auditoire des stations de télévision qui ont été à l'origine du signal, ce qui permet à celles-ci d'obtenir davantage d'argent de la part des commanditaires, et donc de payer davantage de droits d'auteur.
49 Back On rapporte que dès la décision rendue au niveau de la cour d'appel, les éditeurs ont cherché à faire signer aux pigistes une renonciation de leurs droits à l'égard de toute publication nouvelle sous forme électronique, et rétroactive ! Comme mesure de rétorsion, des pigistes auraient pris action devant les tribunaux pour faire déclarer nuls ces contrats-types. Elder, supra note 11, à la p.410.
50 Back Loi sur le droit d'auteur, supra note 5, art. 67.
51 Back Allen c. Toronto Star Newspaper, (1997 ) 152 D.L.R. (4th) 518 (Ont. Div. Ct.). (ci-après Allen)
52 Back Slumber-Magic Adjustable Bed c. Sleep-King Adjustable Bed, (1984) 3 C. P.R. (3d) 81, à la p. 84.
53 Back Allen, supra note 52, para. 21-24.
54 Back Cette disposition a été amendée en 1997 (L.C. 1997, c. 24, art. 18(1) ), mais les concepts qu'elle contient restent les mêmes et se retrouvent aux articles 29, 29.1 et 29.2 actuels.
55 Back Zamacois c. Douville, (1943) Ex. C.R. 208.
56 Back Hubbard c. Vosper (1972) 1 All. E.R. 1023, à la pp. 1027-31.
57 Back "Don't Put My Article Online!: Extending Copyright's New-Use Doctrine to the Electronic Publishing Media and Beyond", 143 U. Pa. L. Rev. à la p. 899.
58 Back Ibid. à la p. 910.
59 Back Ibid. à la p. 916.
60 Back Ibid. à la p. 919-20.
61 Back Ibid.
62 Back Greenberg et al, c. National Geographic Society, 244 F.3d. 1267 (9th Cir. 2001).
63 Back Ibid. à la p. 1272.
64 Back Ibid. à la p. 1273.
65 Back Ibid. note de bas de page no. 12.
66 Back La loi américaine parle de "derivative work".