Camus, Mauriac et l‘épuration (1944-1945)
Résumé
À la Libération, tandis que Camus demande, dans Combat, une épuration « courte », « bien faite » et « limitée » dans le temps qui aboutisse à l‘exécution des pires criminels collaborateurs, Mauriac, quoique résistant lui-même, y est essentiellement opposé parce qu‘il devine que cette épuration va être synonyme de parodie de justice. Ce dernier va ainsi chercher à obtenir la grâce d‘écrivains qui se sont, selon lui, fourvoyés en collaborant mais ne méritent pas la mort. Dès janvier 1945, Camus aura rejoint le point de vue de Mauriac et concèdera en 1948 que son aîné avait raison de privilégier la clémence à la rigueur, la charité à la peine capitale. Notre étude va développer l‘évolution de ces deux autorités morales sur la question de la justice à l‘été et l‘automne 1944, une évolution qui n‘a pas été linéaire, même pour Mauriac, et qui va aboutir au ralliement de l‘éditeur en chef de Combat à la « philosophie de la clémence » de l‘éditorialiste du Figaro.
At the Liberation of France in 1944, while Camus in Combat is calling for a “short” and “limited” but radical purge of the worst collaborators, Mauriac, although a resistant himself, is essentially opposed to it because he can foresee that this purge will be a parody of justice. The older writer will thus seek the grace of intellectuals sentenced to death who, he believes, collaborated by lack of judgement, but do not deserve to be executed. As soon as January 1945, Camus, disappointed that the purge has been so far a complete failure, has adopted Mauriac‘s point of view that clemency should prevail over rigor, charity over capital punishment. Our study focuses on the evolution of these two moral authorities on the subject of justice in the Summer and Fall 1944 and highlights the fact that this evolution was not linear, even for Mauriac. In the end, this evolution will lead to the rallying of the editor-in-chief of Combat to the “philosophy of mercy” of the editorialist of Le Figaro.