Homosexualité, Islam et désacralisation du pouvoir royal dans Le jour du Roi d'Abdellah Taïa
Résumé
Dans Le jour du Roi, Abdellah Taïa explore le thème d‘une altérité assujettie à un intraduisible enfermé dans un aspect politico-symbolique : celui à la fois de s‘exprimer dans la langue de l‘autre et celui d‘exprimer des relations homo-érotiques et homosexuelles vécues au Maroc sous le règne d‘Hassan II. Or, ce discours révèle l‘instabilité d‘un modèle d‘identification confronté à un dispositif sexuel normalisant les corps et les esprits, où la société surveille et participe à une discipline hétéro-normative de l‘homosexualité en punissant toute déviation rendue publique ou visible sous le regard symbolique du roi du Maroc. Ceci semble parvenir à déstabiliser toute identification avec « l‘Autre comme moi », en s‘introduisant dans l‘intimité même des deux jeunes protagonistes du roman et en imposant une hétéro-normativité sur un amour homo-érotique qui ne pouvait se résoudre que par l‘annihilation d‘une des deux parties et ainsi au meurtre de l‘Autre mais de l‘Autre comme moi. Ce fratricide remonte aux mythes fondateurs en Islam et renvoie particulièrement au meurtre originel qui se différencie et s‘émancipe du modèle oedipien, traduisant à ce titre une conception différente de l‘amour du « Même » et d‘une homosexualité identitaire occidentale à prétention universaliste.
In his novel Le jour du Roi Abdellah Taïa explores the theme of alterity in its relation to two political and symbolic forces: expressing one‘s self in the language of the Other and narrating homo-erotic and homosexual relationships in Morocco under the dictatorship of Hassan II. It is the translation of these two aspects that leads to the creation of a new narrative about homosexual Franco-Moroccan identity. This narrative, in turn, reveals the instability of a model of identification subjected to a normalizing sexual apparatus controlling bodies and minds in a place where homosexuality is still punishable by law. This renders the identification process for the two main characters of the novel particularly problematic as they can no longer sustain it without going back to the sources of foundational myths and more particularly to the original murder in Islam. This article argues that the killing of one character by the other goes back to the original murder of Abel by Cain, a model which becomes emancipated from the Western Oedipal complex, translating a new conception of a love relation between two male characters. By so doing, it calls for a reevaluation of the normativity imposed by the king who is using his power based on a patriarchal interpretation of religious legitimacy in view of political gain.