Marcel Jouhandeau ou l‘abjection comme passion
Résumé
Julia Kristeva au début de Pouvoirs de l‘horreur écrit : « de l‘objet, l‘abject n‘a qu‘une qualité - celle de s‘opposer à je [”¦], l‘abject, objet chu, est radicalement un exclu et me tire vers là où le sens s‘effondre ». Ces phrases s‘appliquent bien à De l‘abjection que Marcel Jouhandeau publie de manière anonyme pour la première fois en 1939. Hugues Bachelot parle du livre comme de l‘apocalypse de l‘auteur qui ose tout dire avec une candeur proche de l‘impudeur, une dissection de l‘homme jusqu‘à dire et écrire que la vraie supériorité n‘est pas dans le salut mais dans la perdition. Le mal, qui selon Jouhandeau possède la beauté et la passion charnelle, homosexuelle, a toujours une justification divine dans son discours qui ne cesse de transformer l‘abjection dans le sublime et le sublime dans l‘abjection jusqu‘à l‘éloge final : « l‘injure, l‘insulte est perpétuelle. Elle n‘est pas seulement dans la bouche de celui-ci ou de celui-là , explicite mais sur toutes les lèvres qui me nomment [”¦]. Elle est moi-même et c‘est Dieu en personne qui la profère ». Dans ma proposition je vais essayer de faire communiquer l‘oeuvre de Jouhandeau avec certaines théories influentes sur l‘abjection, notamment Kristeva et Bataille et démontrer comment le recours à la catégorie de l‘abject lui a permis de parler de la passion charnelle sans la renier pour autant : « pas moi, pas ça. Mais pas rien non plus ».