Les espaces hétéroglossiques comme stratégie littéraire de résistance dans Harraga de Boualem Sansal

Auteurs-es

  • Jean-Jacques Defert

Résumé

Un certain nombre de monographies et d‘ouvrages collectifs se sont penchés dans un passé récent sur les nombreuses fictions romanesques et cinématographiques qui ont été consacrées aux harragas (les brûleurs de frontières et de papiers) et à  la harga (la brûlure). Le geste sacrificiel posé par ces candidats à  l‘émigration clandestine qui tentent dans l‘exil de se réapproprier leur destin a provoqué, par sa radicalité, un mouvement de contestation des discours de représentation officiels et traditionnels à  travers l‘écriture. Harraga de Boualem Sansal (2005) porte cette double particularité de décentrer et d‘élargir la portée de ce phénomène en mettant en scène un personnage principal féminin, Lamia, en observatrice d‘un pays « en guerre contre lui-même » (Sansal, Harraga : 285). À la suite d‘Alfonso de Toro, nous voulons proposer ici une lecture critique de ce roman qui vise à  mettre en évidence la « dialogicité déconstructionniste » (Alfonso de Toro, 2009) de sa structure et ouvre la possibilité d‘une ré-énonciation de soi par l‘émancipation des discours logocentriques et l‘actualisation d‘une histoire qui se concrétise dans l‘acte même de l‘écriture de ce récit témoignage.

The substantial production of movies and novels retelling the story of harraga (illegal immigrants literally “burning” the borders and their papers) and the broader phenomenon of the harga (the “burn”) has been the focus of a number of monographs and collective works published recently. The story of illegal immigrants sacrificing their lives in an attempt to take their destiny back into their own hands was at the origin of a radical movement of criticism against official and traditional discourses in literature. In this context, Harraga, a novel written by Boualem Sansal in 2005, is unique in that it decenters and broadens the scope of this phenomenon by giving a female character – Lamia – the leading critical voice as an observer of a country “at war with itself” (Sansal, Harraga : 285). Borrowing Alfonso de Toro‘s concept of “deconstructionist dialogism” (dialogicité déconstructionniste), we are proposing a critical reading of the novel and demonstrate that its dialogical structure allows for the re-appropriation by the narrator of her people‘s story by parting with logocentric discourses while re-rooting this narrative in the very act of writing the unfolding reality.

Biographie de l'auteur-e

Jean-Jacques Defert

Jean-Jacques Defert est professeur adjoint au département de Langues modernes et d‘Études classiques à  Saint Mary‘s University. Il a obtenu son diplôme de doctorat en littératures francophones et en études culturelles de l‘Université d‘Alberta (Edmonton, Canada). Dans le cadre de son doctorat, Dr. Defert a étudié l‘influence du développement des savoirs scientifiques dans les littératures française et canadienne française au 19e siècle. Actuellement, ses intérêts de recherche portent sur la sociologie et l‘histoire de l ‘immigration, la communication interculturelle et les littératures (im)migrantes.

Publié-e

2020-07-31