Louis Wolfson et la traduction plurilinguistique, ou comment se mettre à l‘abri dans l‘espace rhizomique
Résumé
Cet article examine la traduction plurilinguistique de Louis Wolfson telle qu‘elle est théorisée dans Le Schizo et les langues (1970) et l‘expérience de la mise en pratique du système telle que Wolfson la raconte dans Ma mère, musicienne”¦ (1984). Diagnostiqué comme schizophrène, Wolfson cultivait une haine profonde pour l‘anglais, sa langue maternelle, et une forte méfiance envers les gens et le monde en général. Afin de se protéger, il apprend le français, le russe, l‘allemand et l‘hébreu, des langues qu‘il utilise par la suite pour traduire son environnement anglophone. À partir des écrits de Caroline Rabourdin, qui démontrent que la logique de l‘espace euclidien forme et informe notre identité linguistique – ce qu‘elle appelle un bilinguisme incarné –, on arrive à voir que l'espace wolfsonien suit une autre logique, non-binaire, structurée sur la base de ses traductions plurilinguistiques. Pour Deleuze et Guattari, le système de Wolfson suit des lignes de fuite et fonctionne selon une reformulation de l‘espace qui ressemble à celui du rhizome: non-hiérarchique et non-signifiant. Ainsi, chez Wolfson, le nomade remplace le flâneur, et les jeux de mots et la polysémie remplacent la signification pour créer un espace sans cesse traduit, le rendant enfin, mais temporairement, habitable.